MA peau c’est ma plus belle des couleurs !

Vous savez, on vit dans un monde fort intéressant. Les femmes s’affirment de plus en plus, les codes bien que toujours trop étriqués s’ouvrent vers de nouvelles formes de beauté qui permettent à tant de s’y retrouver toujours un peu plus. Les magazines ne montrent plus uniquement que des minces, des blanches, des grandes, des brunes ou des blondes et ce, depuis fort longtemps déjà.

Nous vivons dans un monde où être soi, et bien plus simple qu’autre fois. Alors oui, je peux comprendre les anciennes générations qui faisaient tout pour plaire. Oui, je peux comprendre les femmes qui s’éclaircissaient la peau parce que bien trop proche d’un complexe trainé par l’histoire, et oui, je peux comprendre les discours encrés des hommes qui voulaient une femme d’un certain type de couleur (qui se détournait facilement du type noir).

J’ai même un petit kit pour tricher un peu et prendre des notes de cuivres et des paillettes sur la peau en été…

Mais aujourd’hui, que penser ? Entre esthétisme, racisme, et préférence, il faut l’avouer : le débat est souvent assez sensible et la ligne est bien fine. J’en ai passé des soirées à débattre sur ce qui est de l’ordre du racisme, et sur ce qui est de l’ordre de préférence. Exemple parfait ? Lors d’une de mes dernières soirées, j’ai rencontré un homme (métisse pour préciser) qui m’a dit : « moi je ne sors qu’avec des blanches ». Étonnamment, durant la même soirée j’ai rencontré un autre homme (blanc pour préciser à nouveau) qui m’a confié : « moi je ne sors qu’avec des noires ». Vous voyez à quel point la ligne est fine ? Que penser ? Il va de soi que par les temps qui courent certains aiment crier au racisme alors qu’ici, il ne s’agît que d’une préférence « esthétique » non ? Ce qui est déjà pas mal complexe à comprendre, puis à accepter.

Mais clairement, tout le monde ne peut pas aimer tout le monde. Cela arrive, et ce n’est pas à prendre avec sensibilité.

Bronze Goddess !

Là où cela devient raciste pour moi, c’est quand la considération diffère. Différence de considérations intellectuelles, législatives, sociales, salariales, dans le cadre du travail & co. Lorsque en soirée un homme balance  » je ne veux que des filles métisses sur ma table » (je vous assure que c’est déjà arrivé sous mes propres yeux). Tout le respect que j’avais pour certaines femmes ayant posé leur fessier sur le siège a foutu le camps. Non pas parce que je n’étais pas incluse à la sélection basée sur la couleur de peau (croyez-le ou non, je l’étais), mais surtout parce que je trouve cela irresponsable ! Après, ce sont les mêmes femmes qu’on verra faire des discours à la c** sur la beauté universelle et toutes les sornettes qui vont à l’encontre des actes qu’elles posent.

Il faut une part de responsabilité quand on veut faire les choses bien. Une part d’exemplarité et une part de vrai. Quelqu’un ne peut pas prôner la beauté noire et s’appliquer des crèmes éclaircissantes à tout va. Comprenez le double discours… Tout comme, une femme claire ne peut pas crier à une discrimination basée sur la couleur de peau et combler les salles qui justement, mettent en aparté un certain type de femmes.

Laissez-moi vous raconter une toute petite anecdote de ma vie.

Comme vous le savez déjà sans doute, je viens d’une famille mixte. Quand je dis mixte, c’est composé de blancs, de noirs, de libanais. Il y a toujours eu tellement de couleurs au sein des parents que, au niveau des enfants (nous), je n’ai vu la couleur que très tard dans l’âge. Je n’avais jamais vu de problème avec ma peau. Je ne m’étais pas vu noire ni métisse, parce que je ne voyais pas mes frères blancs ou métisses non plus (ni mon père d’ailleurs et il en va de même pour ma mère) et dites-vous bien que c’était simple ainsi !

Moi enfant. Ps : Je n’aimais pas le jambon, je n’aimais que le museau ahah allez savoir pourquoi !

En grandissant un peu, et en allant de plus en plus seule chez mes cousins, des questions revenaient sans cesse, surtout au moment où on allait à la plage.

Ma mère, soucieuse de notre santé, nous appliquait toujours de l’écran solaire. Les cousins (noirs, je précise pour que vous puissiez suivre l’histoire) se moquaient toujours en disant « c’est parce qu’elle ne veut pas que tu noircisses, ahah mais si tu es noire, pourquoi tu dois te protéger du soleil. » Remettons les choses dans le contexte : ce n’était pas méchant ! C’était une époque (et ça existe encore dans beaucoup de famille), où les noirs ne savaient pas qu’il fallait aussi se protéger du soleil. Notre mélanine à elle seule n’est pas suffisante.

Alors qu’est-ce que j’ai fait (pourtant je savais bien que c’était uniquement pour me protéger du soleil), je suis allée redemander à ma mère (Michèle) pourquoi elle ne voulait pas que je devienne plus foncée. Elle a éclaté de rire (littéralement) et m’a rassurée et me réexpliquant ce que je savais déjà et en me disant que si elle ne voulait pas que je bronze, je ne serais même pas à la plage tout court ahaha !

J’étais rassurée parce que « maman avait parlé » mais, c’est à ce moment là que je me suis vraiment posée la question de savoir c’était quoi d’être « noirte ». Surtout que, quelques semaines plus tôt, j’étais allée au Club France (au Cameroun) avec ma marraine (blanche pour le coup), et, ils avaient dit qu’ils voulaient bien recevoir des nouveaux visiteurs mais pas trop de noirs (nous étions 3 enfants et j’étais la seule foncée). Vous voyez à quel point ça défile dans la tête d’une enfant ?

Je me suis dit « oh mon Dieu, je suis noire ».

Et j’ai su que c’est quelque chose qui allait me coller à la peau toute ma vie alors, j’ai commencé à regarder autour.. Voir la différence de considération qu’il y avait (quitte à m’en créer dans la tête parce que bien entendu, je me construisais avec les bonnes comme les mauvaises analyses de ma personne). Je n’avais en aucun cas honte d’être foncée (je suis la plus foncée de ma famille mononucléaire) mais je voyais les différences de traitements : A l’aéroport, c’est moi que la douane fouillait systématiquement (la seule ahah), certaines filles à l’école m’insultaient juste parce que j’étais noire (mon année aux USA). Croyez-moi que je m’en foutais royalement car j’avais bien trop de caractère pour me laisser faire et ma sœur Lilly Darling (bien plus claire de peau), prenait bien ma défense même si je n’en avais pas besoin. Du coup, je ne me suis jamais sentie marginalisée par ma famille (ce qui est très important car, dans beaucoup de famille, on traite mal les femmes foncées)…

Moi, Ma mère Élise & Lilly Darling (on rentrait d’un weekend à la plage et nous avions bronzé comme jamais).

Je me souviens encore d’une époque cruciale ahahah (permettez-moi d’en rire encore). Un membre très proche de la famille (une femme) dont je tairais le nom était allée voir ma mère en lui disant ceci :

« Hmmm je vois que Vanessa grandit déjà, les hommes ne vont pas tarder à lui tourner autour. Elle a un teint un peu moins foncé que certaines noires donc, si tu mélanges ceci à sa crème de jour, son teint sera parfait et tu verras son succès ».

Le monde étant bien fait, une fois de plus, ma mère a trouvé cela tellement absurde qu’elle m’a confiée cette histoire en me martelant à nouveau à quel point nous étions tous beaux dans nos différences et qu’il n’y avait pas plus belle comme couleur que les nôtres. Pas en mode « les noires et les métisses sont les plus belles » mais en mode « la couleur que tu as est la plus belle ». Ce qui voulait dire : que SA couleur à elle n’était pas la plus belle, ni celle de ma soeur, ni celle de mon père (toutes différentes les unes des autres ». Elle voulait dire TA peau à toi, c’est la plus belle des couleurs. Alors j’ai grandi avec ça dans le cœur :

« MA peau c’est ma plus belle des couleurs »

Des années plus tard, me voici en vacances avec le membre de la famille qui proposait régulièrement que je m’éclaircisse la peau (quitte à vouloir glisser des produits éclaircissants dans mes crèmes incognito). Si je vous dis que je ne m’hydratais la peau qu’avec du gloss transparent vous me croyez ? J’avais tellement peur qu’elle me bousille ma couleur avec ces cochonneries que je prenais les gloss Bourjois et le Labello (je me souviens même des marques vous voyez) et je mettais les formules nourrissantes sur les parties de mon corps qui se voyaient. Un mal pour un bien : vous croyez que je sais que le baume à lèvres sur les ongles & les mains est excellent comment ?

Voyez vous, aujourd’hui je peux en rire parce que tout le long, j’ai eu une famille solide avec des idées fermes sur la beauté individuel et l’estime de soi. J’ai été rassurée dans mes moments de doutes, j’ai été défendue même sans avoir besoin d’aide et je suis aimée à la valeur de mon être : hautement !

Mais tant de femmes et d’hommes n’ont pas eu cette éducation sertie d’assurance et de respect de soi et des autres. Beaucoup ont baigné dans des complexes indélébiles à n’en pouvoir se détacher et en souffriront sans doute longtemps… D’accord, j’ai sans doute trop jugé au début de mon texte parce que mine de rien, je suis une privilégiée. Je ne parle pas d’un privilège social, mais d’un privilège éducationnel ou l’amour et l’estime de soi sont le pain quotidien.

Alors oui, je ne peux pas réellement comprendre tous ces hommes qui préfèrent les femmes « claires » en poussant les autres à se remettre en question car ils ne me plaisent guère… Il en va de soi pour toutes ces femmes qui demandent sans cesse de ne pas s’exposer au soleil et proposent continuellement des produits éclaircissants.

Selon moi, ce sont eux les vrais destructeurs de la beauté sous toutes ces formes… À hiérarchiser les carnations à en faire perpétuer cette inégalité née d’un désire stratégique d’ablation identitaire…

Je le dis depuis enfant, je m’aime bronzée et bien foncée (à mon maximum). Ma peau varie en fonction du climat (comme toutes les peaux d’ailleurs) et je peux être hyper claire voire pâle en hiver comme foncée voire calcinée en été.

De toutes les peaux, celle que je préfère, c’est la mienne ! Je préfère la mienne au contact du soleil. Elle briiilleeee. Ni celle de ma voisine, ni celle des magazines ne me fera changer cela.

Je suis toute une histoire, ancestrale, de migrations générationnelles, d’amour et de couleur… Et je vais changer cela pourquoi ? Quel est bien ce motif qui pourrait me donner envie de changer ma couleur ? Aucun ! Ni pour de l’esthétisme et certainement pas pour de l’amour.

C’est d’ailleurs très simple, un homme qui aime sur un critère de couleur ne m’intéresserait pas suffisamment pour en faire un ami (alors un amour…) non merci !

That’s a wrap errrrrbody !

Ce billet pour demander aux dames peu conscientes de leur pouvoir de destruction d’arrêter de proposer toutes sortes d’injections et crèmes décapantes sur le marché, et aux hommes en cage de se libérer de cette pensée qui font d’eux des prisonniers irresponsables… Vous êtes foncés mais ne pouvez pas être avec des femmes foncées ? (Suivez ma logique) en Asie c’est la même, en Inde on en parle ? …

À toutes les autres femmes & hommes de ma page (toutes couleurs confondues), nous sommes la couleur de l’amour, de l’héritage et de l’histoire. Nous ne nous ressemblons pas, ne venons pas des mêmes endroits, ne pensons pas pareil, sommes noires, blancs, métisses, rouges, jaunes, bleus mais nous avons l’avantage de nous aimer comme tel.

Et comme tel dans un monde qui veut faire de nous des « comme tous », croyez-moi sur parole, c’est bien suffisant et c’est parfait comme ça !

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